jeudi 14 février 2013

FRAUDE :Les politiques sont les porte-voix de l'agro-alimentaire

Pour Olivier Andrault, de l'UFC-Que Choisir, «le système du trading dans l'alimentation pose le problème de l'instabilité des fournisseurs», et met en danger la traçabilité.




















INTERVIEW - Olivier Andrault est chargé de mission en matière d'alimentation à l'UFC-Que Choisir. Il fait le point sur l'affaire des lasagnes au cheval. Il pointe le poids de l'industrie sur la classe politique.

LE FIGARO. - Le Guardian et Le Parisien révèlent qu'un trader néerlandais, qui endosse le rôle du coupable idéal, aurait acheté de la viande de cheval pour la revendre à Spanghero. Ne pensez-vous pas que dans les semaines à venir, chaque maillon de la chaîne va rejeter les responsabilités sur l'autre?
Olivier ANDRAULT. - Oui, tout le monde va être responsable sauf les grands groupes industriels! On a d'ailleurs déjà commencé à observer un grand déballage où chaque maillon de la chaîne dans l'histoire des lasagnes à la viande de cheval essaie d'éviter le problème en tentant de refiler la patate chaude à son voisin. Exemple: Findus et Spanghero n'ont pas la même analyse sur la nature du lot de viande incriminée. Findus dit qu'il pensait de bonne foi avoir de la viande de bœuf 100% française et Spanghero dit de son côté, toujours de bonne foi, qu'il pensait commander de la viande de bœuf 100% roumaine.
Conclusion: si deux des acteurs majeurs de la chaîne sont incapables d'accorder leurs violons, comment peut-on imaginer généraliser la traçabilité des aliments transformés?
Quid de la responsabilité du trading en matière de traçabilité?
Cette transformation des acteurs de l'agroalimentaire en véritables traders qui vont chercher les matières premières à l'endroit du globe où elles sont les moins chères existe en réalité depuis longtemps et ce dans tout le secteur, pas uniquement avec la viande. Or le système du trading dans l'alimentation pose le problème de l'instabilité des fournisseurs car le commanditaire initial ne sait plus, en bout de course, identifier les différents fournisseurs. C'est la notion même de traçabilité qui est mise en danger et donc tout notre système de sécurité sanitaire.
Que pensez-vous de l'attitude des autorités françaises et européennes dans cette affaire?
C'est une mascarade! Les autorités refusent d'admettre que ce scandale est révélateur d'une problématique qui menace la traçabilité de toutes les filières de l'agroalimentaire. En limitant leurs décisions à demander quelques tests ADN, ils font mine de croire qu'il s'agit d'un problème de fraude limité alors qu'il s'agit d'une pratique généralisée à l'ensemble de la filière agroalimentaire.
Quel est le poids du lobby de l'agroalimentaire sur le pouvoir politique?
Les autorités françaises et européennes sont les porte-voix de l'agroalimentaire, ils sont la courroie de transmission de toute cette industrie. Les demandes des consommateurs ne sont prises en compte qu'à la marge et encore, à partir du moment où elles ne gênent pas les industriels qui n'hésitent pas pour se faire entendre à faire du chantage à l'emploi.
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